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La Vie Religieuse consacrée est-elle, aujourd’hui encore, signe (LG 44) dans l’Eglise et pour le monde ?
Le concile Vatican II (1962- 1965) s'est réuni sous les pontificats de Jean XXIII et de Paul VI . Comme tout concile, Vatican II a produit un certain nombre de documents qui sont, du point de vue théologique, d'importance diverse : 4 Constitutions, 9 Décrets et 3 Déclarations. Parmi ces documents, lès Constitutions ont la plus grande autorité théologique et c'est précisément dans l’une d’entre elles, la Constitution dogmatique sur l'Église, que va être développée et définie la
théologie de la vie religieuse.
Vatican II parlera de la vie religieuse en plusieurs autres documents dont le Décret sur la charge pastorale des évêques dans L’Eglise (Christus Dominus) et bien sûr le Décret sur la rénovation et l'adaptation de la vie religieuse (Perfectae Caritatis). On la trouve encore soulignée par exemple dans le Décret sur l'activité missionnaire de l’Eglise (Ad Gentes). C’est cependant dans la constitution sur I'Eglise qu'il faut chercher les grands axes ou éléments majeurs de la théologie du Concile sur la vie religieuse, particulièrement dans le chapitre VI, n° 43 à 47.
La Constitution dogmatique (LG)
Lorsque les Pères du Concile sont arrivés, en octobre 1962, un texte sur l’Eglise, déjà rédigé par des théologiens, leur fut présenté - Des Ecclesia. - L’Eglise comme société hiérarchique et juridique
1. Le pape
Les évêques
Les prêtres
Les diacres
Les religieux
Les laïcs
Des Ecclesia - Coincés entre le clergé et les laïcs, on y trouvait des religieux au statut hybride surtout quand il s’agissait de religieux prêtres. Ces derniers s’estimaient lésés et revendiquaient leur place dans la “caste” du clergé. Par contre, les religieux frères et soeurs protestaient de leur appartenance au peuple des laïcs, simples baptisés.
Dans la Chronique sur les sessions du Concile Vatican II, P. Antoine Wagner, aa, décris tout le processus d’élaboration du premier schéma proposé sur les religieux et l'évolution subit. Il comprend 22 propositions. Elles traitent d’abord du renouveau et de l’adaptation des instituts religieux en fonction de notre temps; viennent ensuite trois propositions consacrés sur les trois voeux (valeur de signe); et les (10) dernières propositions des problèmes plus concrets (la vie en commun, la cloiture, l’habit religieux, la formation... et str.)
P. Wagner relève l’importance du discoure du Paul VI adressé le 23 mai 1964 à sept chapitres généraux d’ordres religieux. Il soulèves les points importants qui serons de suite intégrés comme correction du schéma premier : l’état religieux est l'exercice de la vie parfaite selon l’Evangile comme un appel universel à la sainteté; Paul VI se montra également soucieux de sauvegarder la substance théologique des voeux religieux avec une insistance sur la pauvreté (personnelle et communautaire); à propos des structures - réforme fidèle sans trop lois nouvelles; Prière pas sacrifiée pour l’apostolat qui est le prolongement de la vie intérieure; relation hiérarchie-institut.
Dans la IIIe session du Concile sont lancés des critiques du schéma proposé:
- cardinal Doepfner - nécessité d’entendre dans le texte une poussée de renouveau dans l’aspect de relation des religieux au monde.
- cardinal Suenens - renouveau sur le plan humain et apostolique chez les religieuses.
- cardinal Bea - impulsion nouvelle et moins des formes juridiques.
- T.R.P. Anastase, SG des Carmes- souhaite un préambule doctrinal qui dise l’importance de la VR dans l’Eglise.
- Mgr Huyghe, membre de la commis. religieuse - lien du renouveau Eglise avec VR (dans Eglise - promoteurs de l’unité / dehors - soldats de l’Eglise)
- P. Lalande - SG des Pères de la Sainte-Croix - au sens pastoral la reforme de la VR doit etre reflet de la reforme de l’Eglise.
Dans la IVe session - les deux tendances extrêmes :
- uns insistent sur le maintien des formes traditionnelles de la VR (peur de diminution de la VR)
- les autres sont pour le renouveau de l’Eglise exige une reforme - réadaptation aux conditions du monde.
Problème résolu avec les Deux principes généraux d’une rénovation adaptée :
“ Le bien même de l’Eglise demande que les instituts aient leur caractère et leur fonction propres. C’est pourquoi on mettra en plaine lumière et on maintiendra fidèlement l’esprit des fondateurs et leur intentions spécifiques, de même que les saines traditions, l’ensemble constituant le patrimoine de chaque institut. “
“ Tout institut doit communier à la vie de l’Eglise et, en tenant compte de son caractère propre, faire siennes et favoriser de tout son pouvoir ses initiatives et ses intentions; ainsi dans le domaine biblique, dogmatique, pastoral, oeucuménique, missionnaire et social.”
C’était le problème de la conception de l'obéissance ! (promulgué le 28 oct. 65 -2321oui, 4 non).
Lumen Gentium - L’Eglise comme Mystère et Sacrement de Salut
Le Mystère de l'Eglise (Sacrement de salut)
Le Peuple de Dieu (Sacerdoce commun)
Les ministres ordonnés
Les laïcs
L'appel universel à la sainteté
Les religieux (43-47)
Le caractère eschatologique de I'Eglise
La Vierge Marie
Ch V - Membre à part entière de l’Eglise, les religieux “qui ne font pas partie de la structure hiérarchique de l’Eglise appartiennent (...) inséparablement à sa vie et sa sainteté” (LG, 44 fin). On attend d’eux qu’ils attestent, dans l’Eglise et à la face du monde, “l’existence d’une vie nouvelle et éternelle acquise par la Rédemption du Christ, et qu’ils annoncent enfin la résurrection à venir et la gloire du Royaume des cieux” (LG 44, 3eme alinéa). La perspective eschatologique ne fait partie de cette annonce.
Ainsi donc, insérée entre le chapitre V (appel universel à la sainteté) et le chapitre VII (caractère eschatologique de l’Eglise) la vie religieuse apparaît comme ayant une place et une double mission bien déterminées dans l'Égrise et dans le monde : manifester l'aujourd'hui de l'appel à la sainteté, et être signe du monde qui vient en annonçant le retour du Seigneur dans sa gloire.
La vie religieuse n'est plus présentée dans l'ordre d'un hiérarchie ou simple instrument aux mains des responsables de la stratégie missionnaire de l'Eglise. Elle est de l’ordre du signe.
Les éléments majeurs de vie religieuse selon Vatican II
1.La vie religieuse signifie l’appel universel à la sainteté
Le signe, au sens théologique du terme, c'est ce qui révèle une réalité plus profonde et permet de l’approcher, de la comprendre au sens d'y communier. Ainsi va-t-on parler des sacrements comme « signes » qui nous font communier à l'être de Dieu et à sa volonté de salut pour nous. C'est dans ce sens là que l'on va parler de la signification de la vie religieuse.
Que veut-on évoquer par « sainteté » ?
A. T. - Dieu est présent au milieu de son peuple qu'il appelle à « sanctifier son Nom »(Lev 19, 2.5,8) et participer à sa sainteté (Is 6,1 ss') en accomplissement les rites au Temple mais surtout en observant la Loi, guide marcher dans la sainteté (Lev 17-26).
N.T. - la sainteté n'a rien à voir avec le fait de ne pas être pécheur, mais elle signifie d'abord et avant tout un appel à venir à Dieu et marcher avec lui, émerveillé de son amour et de son pardon. En Jésus nous avons définitivement accès à la sainteté de Dieu et que rien, comme le dira St. Paul plus tard, ne pourra nous séparer de ce Dieu qui nous aime à la folie (Rm 8).
Lorsque le Concile reconnaît que la vie religieuse est signe de l'appel universel à la sainteté, il veut dire que les religieux attestent par leur vie même cette certitude que tout homme est appelé à vivre dans l’intimité de Dieu et à être comblé par lui. C'est pourquoi une vie religieuse qui se veut “signe” doit être une vie vécue dans l'intimité de Dieu. Elle serait une pure absurdité si elle n'avait pas Dieu au centre comme celui qui compte avant tout et que nous accueillons les mains, l'intelligence et le coeur libres et grands ouverts.
Les voeux sont là pour nous permettre une telle liberté et disponibilité à accueillir cette sainteté communicative que Dieu veut nous communiquer. Et nous sommes signes de cela dans l'Eglise et dans le monde, non pas parce que nous serions plus saints que les autres, mais parce que nous prenons des moyens radicaux pour l'attester : voilà ce à quoi nous sommes tous appelés, par grâce.
2. La vie religieuse signifie et réalise la vocation communautaire de l’humanité
« Pendant très longtemps, et avec erreur, la vie religieuse a été perçue uniquement comme un chemin de sanctification personnelle. Il est temps – demandait le pape Paul VI aux supérieurs généraux de plusieurs Instituts de vie consacrée - que, dans la ligne du Concile, vous rappeliez à vos Instituts leur vocation communautaire.»
Ce rappel n’était pas d’abord d’ordre disciplinaire mais théologique car, en conformité avec l’enseignement de l’Église, Paul VI voyait le rassemblement en communauté des religieux et religieuses comme signe de la volonté de Dieu de rassembler l’humanité tout entière en un seul peuple uni par les liens de la charité.
A.T. - Isaïe invite-t-il le peuple choisi à élargir ses tentes, et Jérusalem la ville sainte à laisser ses portes ouvertes pour qu’affluent les nations de toutes langues afin qu’elles « contemplent la gloire de Dieu » (Is 60,11 ; 66,18-21). Ce sera alors la paix, une paix universelle (Is 2,2-4).
N.T. - A la naissance de Jésus, des mages (Mt 2,1-12) et des bergers (Lc 2,8-20) viennent adorer l’enfant. Les mages sont des étrangers païens venus d’Orient tandis que les bergers font partie de la classe des impurs, donc des rejetés. C’est là la façon des deux évangélistes de nous montrer le rassemblement universel autour du Christ.
- Jean : « … il (Caïphe) prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation – et non seulement pour la nation mais encore pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. » (Jn 11,49-52).
- Et à chaque eucharistie, nous ré-entendons ces mots du Christ à la dernière Cène : « Ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude (περι πολλων) » (Mt 26,28)
De même, le livre de l’Apocalypse nous décrit la fin des temps comme étant le rassemblement universel en parlant des 144.000 élus, chiffre exprimant l’immensité sans nombre (Ap 7,1-8)
.
Le Christ est celui qui rassemble l’humanité dispersée et c’est de cette réalité que la vie religieuse se doit d’être signe. Certes, chaque religieux a à signifier, de façon personnelle, l’appel universel à la sainteté, mais la vie en communauté, par son existence même, est signe de cette volonté de Dieu qui, en son Fils et par l’Esprit, veut rassembler l’humanité. Le signe ici tient moins à ce qui est accompli (les œuvres) par la communauté ou par chacun de ses membres qu’au fait du rassemblement lui-même. Au sein d’un monde fracturé, divisé, incertain, et gangrené par l’exclusion, est alors attestée la possibilité du vivre-ensemble librement consenti entre personnes d’origines diverses, de caractères différents, et qui ne sont pas choisies. Un tel rassemblement, s’il est réellement vécu comme lieu de la communion fraternelle, devient un « lieu théologal »
qui renvoie à plus que lui-même. Il est signe.
3. La vie religieuse signifie l’attention du Christ aux plus abandonnés
Cet axe de la théologie de la vie religieuse tel que le définit Vatican II est sans doute le plus simple à comprendre. Là encore, il faut repartir de la Bible où Dieu apparaît comme un Dieu passionnément épris des pauvres et des abandonnés. Ces préférés de Dieu ont un visage très concret : l’étranger, l’orphelin et la veuve. Ce sont eux les plus défavorisés et les plus délaissés. Ce sont ceux « qu’on égorge et qu’on assassine » (Ps 94,6) en toute impunité car ils ne comptent pas dans la société.
A.T. - Dans la Bible, la véritable obéissance à la loi ne se vérifie pas d’abord dans l’accomplissement des rites mais dans l’attention portée ou non à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve (Is 1,10-20). Le prophète Michée a merveilleusement résumé ce qui est attendu de tout membre du peuple de l’Alliance :
« On t’a fait savoir, homme, ce qui est bon, ce qu’Adonaï réclame de toi :
rien d’autre que d’accomplir la justice,
d’aimer avec tendresse et de marcher humblement avec ton Dieu. » (Mi 6,8)
N.T. - Sans exclure quiconque, Jésus manifeste lui-aussi cette préférence pour les pauvres. Sa « parabole des non-invités » au festin nuptial rapportée par Matthieu (Mt 22,1 ss.) a de quoi nous surprendre. Las de voir les invités décliner l’invitation, le roi de la parabole finit par ordonner à ses serviteurs d’aller ramasser au hasard des chemins « tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons… » (22,10). On s’attendrait à un autre ordre (les bons d’abord et ensuite, s’il reste de la place, les mauvais !) de la part des serviteurs, mais ceux-ci connaissent la préférence de leur Seigneur. C’est pourquoi ils prennent d’abord les mauvais… puis les bons. C’est une logique qui n’est pas du « monde » au sens johannique. C’est un regard sur le monde qui prend son origine et sa force dans la bonté originale de Dieu, dans son amour totalement gratuit. C’est à cet amour gratuit qu’il nous invite à communier afin d’aller amoureusement, comme lui, à la recherche de celles et ceux qui sont oubliés ou rejetés, en tout cas aux marges, au-delà des plus extrêmes limites.
La vie religieuse, « mémoire évangélique de l’Église », a pour mission de rappeler à l’Église qu’elle doit toujours regarder au-delà de ses frontières, aller vers tous les pauvres et tous les exclus tout comme l’a fait son Maître, Jésus de Nazareth.
Depuis ses origines avec Antoine, Pacôme et sa sœur Marie, Basile et sa sœur Macrine, la vie religieuse a cherché à être présence parmi les plus pauvres pressentant bien qu’ils étaient les préférés de Dieu. François d’Assise désira embrasser Dame pauvreté pour expérimenter la préférence amoureuse du Très Bon, de l’Infiniment Bon ! Et le pape Paul VI rappellera que « de par son histoire et sa constitution, la vie religieuse est contestatrice d’un monde où l’homme est victime de l’homme, d’une Église qui a toujours tendance à se fermer sur elle-même. La vie religieuse est signe que les pauvres sont les préférés du cœur de Dieu. »
4. La vie religieuse signifie la dimension eucharistique de la vie baptismale
Reprenant à son compte l’enseignement traditionnel de l’Église, le concile Vatican II a rappelé que l’eucharistie est la « source et le sommet de la vie chrétienne » tout comme « le centre et le sommet de la communauté chrétienne. »
C’est pourquoi tous les fidèles se doivent d’y participer non par obligation mais poussés par leur désir de s’offrir eux-mêmes avec le Christ, d’où leur participation active tant souhaitée.
Ce qui est dit pour tous les fidèles vaut évidemment pour les religieux. Le document sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse souligne la place et le rôle de l’eucharistie comme source inépuisable pour leur vie spirituelle et il leur est demandé d’y prier du cœur et des lèvres, c’est à dire selon l’esprit de l’Église. Mais le même document développe immédiatement après la dimension communautaire en précisant qu’ « ainsi restaurés à la table de la loi divine et du saint autel, qu’ils (les religieux) aiment parfaitement les membres du Christ (…) qu’ils vivent et pensent toujours plus avec l’Église et se consacrent à sa mission. »
A ce sujet, l’enseignement de Youssef Bousnaya, ermite et maître spirituel de l’Église syrienne et nestorienne du 10ème siècle, est particulièrement intéressant. Il demandait à ses nouveaux disciples de « recevoir chaque jour les mystères purificateurs » durant leur première année de vie monastique. Commençant à peine leur aventure spirituelle, « le levain du péché – selon Youssef – se trouve encore dans ton corps… ». Par la suite, ils les amenait à ne communier que le dimanche. Une telle pratique n’a rien à voir avec un quelconque mépris de l’eucharistie ou la raréfaction qui se répandra dans les monastères durant le Moyen Age et contre laquelle réagira la réforme de Cluny. Dans la pensée de Youssef Bousnaya, le moine qui est déjà plus avancé sur le chemin de la sainteté commencera à vivre sa semaine dans le souvenir du corps du Seigneur reçu à la célébration dominicale. Sa vie au jour le jour se transforme pour devenir, de dimanche en dimanche, une existence entièrement eucharistique/eucharistiée.
- l’expérience du « seul cœur » (Ac 2,46 ; 4,24 ; Rm 15,6) : C’est alors la communion plus que la célébration eucharistique dans son ensemble qui est mise en valeur : elle est source de renouvellement en vue de l’offrande de soi-même à Dieu et le « viatique quotidien et la source de la spiritualité des personnes et des Instituts. » Sous cet angle, dire que la vie religieuse est eucharistique veut signifier qu’elle est signe de l’offrande de soi-même à laquelle est appelé tout baptisé.
- communion chrétienne (koinônia) Ce deuxième aspect se retrouve, lui aussi, et avec plus d’insistance encore que le précédent, dans l’enseignement du Concile et des documents ultérieurs. Il est en lien étroit avec le deuxième élément majeur dégagé plus haut : la vie religieuse signifie et réalise la vocation communautaire de l’humanité
5. La vie religieuse signifie l’attente de “l’Epoux qui vient”
Le chapitre 6 de Lumen Gentium est placé, nous l’avons vu, entre le chapitre sur l’appel universel à la sainteté et celui sur le caractère eschatologique de l’Église. La vie religieuse est signe du "déjà présent" et du "pas-encore achevé".
- déjà : Dieu a déjà sauvé le monde. L’acte de la croix a eu lieu une fois pour toutes. Dans la résurrection du Christ a été proclamée la victoire définitive de Dieu sur le mal et le péché. Il a tenu parole, Il a délivré son Saint de la corruption, celui qui, impur et maudit pendait au gibet (cf. Ac 2,23-28 ; Ga 3,13) !…
C’est pourquoi, lors de la nuit pascale, nos frères d’Orient chantent 122 le refrain : « Nous tous qui avons été baptisés en Christ, nous avons revêtu le Christ ». Non pas « nous le revêtirons » mais « nous l’avons revêtu ». Déjà.
- pas encore : Certes, ce que nous sommes devenus - comme le dit St. Paul – nous ne le voyons pas encore clairement et nous attendons que cela soit manifesté dans toute sa plénitude. « Notre vie – écrit l’auteur de la lettre aux Colossiens – est désormais cachée avec le Christ en Dieu : quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire » (Col 3,3-4). Ce dont nous sommes convaincus dans la foi, c’est que « nous réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, et que nous sommes transformés en cette même image, de gloire en gloire, comme il convient à l’action du Seigneur, qui est Esprit » (2 Co 3,18-19)
. Nous sommes en attente de la plénitude, de cet instant où le Seigneur Jésus reviendra et remettra tout au Père et que « que Dieu sera tout en tous » (1 Co 15,28). On comprend alors la supplication joyeuse sur laquelle se ferme la Bible : Maranatha ! Viens Seigneur Jésus ! (Ap 22,20).
Dire que la vie religieuse signifie l’attente de "l’Époux qui vient", c’est affirmer qu’elle a pour mission d’être signe de cette transformation en cours comme de son but ultime et tant désiré : rencontrer celui qui les tellement attirés qu’ils ne sont mis à le suivre. C’est ce que rappelle encore, en des termes mystiques, le document Vita Consecrata :
« Les personnes qui ont consacré leur vie au Christ ne peuvent que vivre dans le désir de Le rencontrer, pour parvenir à être avec Lui pour toujours. De là, l’attente ardente, de là, le désir de "se plonger dans le Foyer d’amour qui brûle en elles, et qui n’est autre que l’Esprit Saint", attente et désir soutenus par les dons que le Seigneur accorde librement à ceux qui recherchent les choses d’en haut. »
Conclusion
A la suite du pape Jean-Paul II qui a défini la vie religieuse comme « une des traces perceptibles laissées par la Trinité dans l’histoire, pour que les hommes puissent connaître la fascination et la nostalgie de la beauté divine »
, tournons-nous vers l’icône de la Trinité d’A. Roublev (1360-1430). En face de l’icône, nous dit Rafiq Khoury, nous devenons ce que nous voyons selon la grâce qui nous est donnée… C’est plus l’icône qui nous contemple, qui nous parle et nous inonde de sa lumière, de sa paix, de sa chaleur, de sa pureté aussi…
Le personnage central regarde celui qui est à sa droite et celui qui est à sa droite regarde le personnage en face de lui. Celui qui est en face ne regarde pas le personnage du centre… Ainsi le cercle est-il ouvert !
Le troisième personnage regarde la table et ce carré qui symbolise la terre… et si l’icône est bien placée, c’est à dire au-dessus des portes saintes où l’on communie, alors son regard se posera sur le croyant qui vient recevoir le précieux corps et sang du Sauveur…
La Trinité, c’est le Père qui envoie le Fils qui envoie l’Esprit, qui nous est communiqué par la communion afin qu’à notre tour, nous puissions regarder le Père et être ainsi unis à la Très Sainte Trinité.
La vie religieuse est icône de la Trinité parce que c’est le Tout Autre qui appelle. L’appelé se laisse regarder de ce regard de lumière qui se pose sur nous et se prend à nous aimer
. Pourtant, ce regard n’est pas à posséder pour en engloutir la lumière dans nos ténèbres égoïstes.
Dans l’icône de la Trinité, c’est la Trinité qui cherche son visage en nous, et nous contemplant elle nous conduit à la découverte de l’icône intérieure qui demeure en nous. Par l’icône, nous renaissons à une vie nouvelle et à une espérance contagieuse. Nous pouvons, personnellement et en communauté, devenir passeurs de lumière afin que le monde puisse faire, par grâce, son assomption dans la Trinité Sainte.
« Quand nous approchons la lumière,
nous devenons lumière. »
(St. Grégoire de Nysse)